Eclats de Mémoire. Épisode 9 : Le Vernet demain : entre béton et utopies
Le Vernet change. Lentement, parfois douloureusement, mais résolument. Quartier populaire, longtemps relégué aux marges du récit urbain, il fait aujourd’hui l’objet d’une vraie attention. Projets de rénovation urbaine, démarches participatives, réveil associatif : l’avenir du Vernet se joue maintenant, entre les mains de celles et ceux qui y vivent, y rêvent, y créent.
Ici, pas de gentrification éclair ni de façadisme cosmétique. Le Vernet est un terrain de luttes et de possibles, un lieu où la transition écologique ne peut se penser sans justice sociale, et où l’art, loin d’être un supplément d’âme, devient un levier de transformation.
L’art comme catalyseur de résilience
Depuis plusieurs années, des initiatives locales œuvrent à redonner au quartier son visage pluriel et son souffle collectif. Parmi elles, “Têt en fête” fait figure de symbole : cette fête populaire, installée au bord de la rivière Têt, est bien plus qu’un événement festif. C’est un acte politique joyeux. On danse, on joue, on mange ensemble, des deux rives.
Habiter autrement : écologie populaire et démocratie du quotidien
Mais l’art n’est pas seul. Il accompagne un mouvement plus large, écologique, solidaire, enraciné dans le territoire. Des projets émergent : rénovation énergétique des logements sociaux, création de jardins partagés, aménagement de pistes cyclables reliant le quartier au centre-ville, ateliers de réparation participatifs… Autant de micro-utopies concrètes, portées par une écologie populaire, ancrée dans la réalité de la vie quotidienne.
Les habitants ne veulent plus être seulement “concertés” : ils veulent co-construire. Ils dessinent un quartier plus respirable, moins dépendant de la voiture, plus propice aux rencontres. Ils rêvent d’un Vernet libéré du béton inutile, où les enfants pourraient courir en sécurité, où l’on cultiverait des tomates sur d’anciennes dalles, où des cafés associatifs, des tiers-lieux, des friches artistiques viendraient remplacer les vitrines vides.
Un futur qui conjugue la mémoire et l’audace
La difficulté, c’est que la mémoire du Vernet — celle des pieds-noirs, des ouvriers immigrés, des gitans catalans, des femmes du quartier, des jeunes artistes — n’entre pas dans les tableaux Excel des aménageurs. Or c’est cette mémoire qui tisse l’âme du quartier. La rénovation ne peut être une amnésie programmée. Elle doit être une transmission vivante.
Le Vernet de demain ne se résumera pas à ses mètres carrés rénovés. Il s’écrira dans les voix qu’on aura laissées s’exprimer, dans les œuvres qu’on aura laissées pousser, dans les rêves qu’on aura osé croire contagieux.
Ce quartier n’attend pas qu’on le sauve. Il s’auto-réinvente, chaque jour, dans l’ombre des tours et la lumière d’un graffiti. Le Vernet n’est pas un problème à résoudre. C’est un poème en chantier.
Source : Pierre Bertrand