Eclats de Mémoire. Épisode 8 : Le Vernet moderne - Entre HLM et nouveaux habitants
Aux confins nord de Perpignan, le quartier du Vernet porte en lui les strates d’une histoire urbaine, sociale et humaine singulière. Si son nom évoque encore, pour les plus anciens, les vergers et les vignes des années 1950, c’est à partir des années 1960 que ce territoire connaît une transformation radicale. À la faveur de l’urbanisation dense, de l’exode rural et de l’arrivée massive de populations migrantes, le Vernet devient un laboratoire à ciel ouvert de la ville moderne.
Dans un contexte national tendu par la pénurie de logements, la construction de grands ensembles HLM s’impose comme une nécessité politique. Édifiées en quelques années, les cités Diaz, Clodion, Roudayre, Vernet-Salanque, ou encore celle des Baléares, dessinent les nouveaux contours du quartier.
Mais ce sont surtout les habitants qui donnent au Vernet sa couleur singulière. Dès les années 60, s’y croisent pieds-noirs rapatriés d’Algérie, familles espagnoles venues d’Andalousie ou de Catalogne, travailleurs immigrés d’Afrique du Nord et communauté gitane déjà implantée dans la région. Chacun apporte ses traditions, sa langue, sa musique, sa manière d’habiter le monde.
Le Vernet devient ainsi une mosaïque vivante, un quartier-monde où les histoires individuelles s’entrelacent en silence. On y entend l’arabe, l’espagnol, le catalan, le romani et le français populaire des cours d’école.
Consciente des enjeux d’une telle mixité, la municipalité d’alors déploie des infrastructures collectives : écoles, crèches, maisons de quartier, stades, bibliothèques. Ces lieux deviennent le cœur battant du Vernet. On y joue, on y apprend, on y débat. On y forge surtout un sentiment d’appartenance, parfois fragile, mais bien réel.
Aujourd’hui, près d’un demi-siècle après ces grandes transformations urbaines, le Vernet poursuit sa mue. Les projets de rénovation tentent de redonner souffle aux bâtis fatigués, de réinventer les espaces publics, de restaurer la dignité d’un quartier trop souvent stigmatisé.
Les récits de ses habitants, leurs souvenirs, leurs luttes et leurs rêves constituent un patrimoine immatériel essentiel. Ils méritent d’être écoutés, recueillis, transmis. Car ce quartier, bien plus qu’un simple territoire administratif, est un refuge de mémoires partagées, un miroir des métamorphoses françaises, et un espace de résilience collective.
Le Vernet n’est pas un passé figé. Il est un présent vibrant et un futur à imaginer ensemble.